[*] Let Love Shine

14h cette après-midi et Isabella Winderfield venait tout juste de se réveiller. En effet, la veille, notre belle anglaise avait passé une journée en avion -ou presque, pour arriver sur l'île grecque. La jeune femme était contente d'être arrivée ici, elle serait ainsi loin du stress quotidien londonnien et de ses études de journalisme, bien que passionnantes, mais très fatiguantes.
Lorsqu'elle remarqua l'heure, Isabella ne put se résoudre à se laisser autant aller. Elle était quelqu'un de dynamique et elle détestait perdre son temps, chose qu'elle avait faite en dormant toute la matinée. Retirant le draps de son lit pour se lever, elle se mit à chercher du regard son maillot de bain préféré, un Dolce & Gabbana turquoise. Branle-bas de combat, il était introuvable. Il faudrait voir l'état du bungalow pour y croire mais il y régnait un véritable bazar, et cela ne faisait que douze heures qu'elle était là ! Pourtant Isabella n'était pas quelqu'un de négligée, bien au contraire, mais elle détestait passer son temps à ranger les vêtements et autres accessoires. Une fois qu'ils étaient sortis du placard et qu'ils étaient portés, tous se retrouvaient sur des chaises ou sur le lit. C'est ainsi qu'en était arrivé Isabella qui farfouillait dans ses affaires dispercées dans toute la chambre. Vêtue d'une petite culotte La Perla et d'un haut Petit Bateau, la jeune femme mit enfin la main dessus et quand elle se décida à prendre une robe très légère pour l'enfiler par-dessus son bikini, elle fila sous la douche histoire de se sentir plus propre. Emportant son sac de plage Hermès avec elle, Isabella partait pour une après-midi de plage.

Viviane Norhington était arrivée hier au soir sur l'île de Santorin. Elle avait pris un avion à 13h à Londres pour arriver à 17h30 environ sur le sol grec. Malheureusement, Santorin était une île située dans les Cyclades, c'est à dire loin de la capitale grecque. Viviane avait ensuite pris un bateau au port d'Athènes pour se rendre sur l'île. Le voyage avait duré un petit bout de temps là encore.
C'est donc en soirée, que Miss Norhington avait posé un premier pas sur cette magnifique île loin de l'agitation de la métropole. En voyant cette mer azurée, elle avait tout de suite rêvé d'y plonger dedans, mais elle n'en avait pas encore eu l'occasion. Dès qu'elle était arrivée, elle avait grignoté un petit quelque chose, avait échangé deux ou trois mots avec Jersey Winderfield, la soeur d'Isabella, puis elle était partie se coucher, exténuée par son trajet. La jeune anglaise n'avait pas eu une minute de répit, puisque la veille au matin même, elle avait fait ses valises, avait apporté ses photographies au journal, et avait sauté dans le premier taxi qui l'emmènerait à Heathrow, l'aéroport de Londres.

Ce matin-là, Viviane s'était réveillée aux alentours de 9h, grâce au chant des oiseaux et au soleil qui commençait à s'élever dans un ciel bleu sans nuage. Après s'être préparée, elle s'était rendue au restaurant-bar de la propriété des Winderfield, essayant de croiser Isabella pour la remercier de son invitation. Finalement, elle ne vit aucun visage familier et décida de faire un tour seule dans la propriété des Winderfield. Celle-ci était immense et Viviane était impressionnée de savoir qu'une de ses vieilles amies possédait un bout d'une île en pleine Mer Egée.
Viviane s'était rappelée qu'elle avait fait de nombreuses recherches sur Internet après avoir reçu l'invitation d'Isabella Winderfield. Au départ, elle avait même cru à une plaisanterie. Mais quand elle avait appris par Google qu'une partie de l'île avait été achetée par les Winderfield, Viviane avait alors saisi l'étendue de sa chance. Elle n'avait plus hésité une seconde et avait aussitôt sauté sur l'occasion pour prendre quelques vacances. Bon, il fallait dire que Peter Cleaver, son patron, l'avait fortement encouragée à y aller.

C'est ainsi qu'en début d'après-midi, la jeune Norhington décida de se rendre à la crique privée pour aller piquer une tête. Depuis hier soir, elle en rêvait. La température était montée de quelques degrés depuis ce matin. Après être passée dans son bungalow, Viviane en ressortit vêtue d'un simple petit short en jean Versace accompagné d'un débardeur Morgan, son maillot de bain blanc Erès dessous, une paire de Dolce&Gabbana sur le bout de son nez, serrant la lanière d'un sac en toile dans le creux de sa main.
Une fois arrivée à la plage, elle s'installa non loin de la mer et s'etendit sur sa serviette, après avoir ôté son débardeur. Elle s'allongea sur le ventre et commença à fermer les yeux, profitant de cet instant de tranquilité...

Le soleil était haut dans le ciel, il tappait plutôt fort et Isabella Winderfield n'avait pas choisi la meilleure des heures. En effet, vers 14h il était déconseillé de s'exposer au soleil mais la jeune anglaise se fichait de ce genre de conseils. En effet, elle avait le teint un peu bronzée et son corps avait l'habitude des expositions au soleil bien que cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas pris de vacances. La dernière fois remontait à cet hiver où elle était partie avec des amis à la neige en Suisse.
Munie de ses affaires de plage, la plus jeune des Winderfield parvint à la plage de sable fin où elle allait s'abandonner aux bras de Morphée car même si elle s'était réveillée il y a peu, elle était encore un peu fatiguée. Elle adorait la sensation du soleil au contact de la peau, entendre le bruit de la mer déferlant sur la plage. Et là au moins, elle serait tranquille : il n'y avait pas d'enfants qui braillaient et qui faisaient des châteaux de sable. Aucun de leurs invités n'avaient d'enfants, du moins c'est ce qu'espérait Isabella. Ce n'est pas qu'elle n'appréciait pas les enfants mais pour ses vacances, elle voulait que tout se passe bien, que rien ne soit prise de tête et pouvoir se reposer comme elle voulait.

Ôtant ses compensées Minelli, Isabella posa son premier pied sur le sable si agréable au toucher avant de continuer à avancer pour trouver une place. Elle croisa un jeune homme qui ne semblait pas l'avoir remarqué. Mécontente, elle le salua gaiement et lui parla quelques instants, voyant très bien qu'il était pressé. Finalement, il lui rappela son nom et Isabella se souvint qu'elle ne l'appréciait pas tellement au lycée.
Finalement, elle le laissa partir, ne pouvant resister à l'appel de la sieste.
Elle observa autour d'elle et vit qu'il y avait une jeune femme seule, allongée sur le ventre. Ne trouvant pas de nom, elle se décida à aller la voir pour connaître ses anciens camarades de lycée.
Elle se dirigea vers elle et lorsqu'elle arriva à sa hauteur, elle lui dit gentiment, pour ne pas l'effrayer car celle-ci semblait être en train de se reposer :

"Bonjour..."

Isabella attendit une probable réponse mais la personne ne dit mot. C'est alors qu'elle aperçut entre deux mèches brunes le visage de Viviane Norhington. Celle-ci était une proche amie qu'elle avait rencontré dans le club du lycée de journalisme ; Viviane s'occupant des photographies et Isabella des dépêches.

"Oh Viviane !", s'exclama la jeune Winderfield. "Ca faisait un bail !"

Yeux clos sous ses lunettes de soleil, Miss Norhington profitait de cet agréable instant. Rien ne comptait plus que le soleil qui caressait ses avant-bras de ses rayons, la légère brise marine qui jouait avec ses cheveux dénoués, le sable sous ses doigts... Plus rien n'avait d'importance, elle se sentait transportée dans un autre monde. Viviane aurait adoré que ce moment soit éternel.
À Saint-Barth, la destination de vacances préférée de ses parents, Viviane pouvait passer des heures à rester allongée sur la plage, exposant son corps au soleil. Généralement, elle s'endormait pendant deux heures, puis elle se mêlait à quelques jeunes gens pour jouer au volley. Les soirées se terminaient généralement au restaurant avec les parents, puis elle les quittait pour rejoindre les amis qu'elle s'était faits dans l'après-midi.

Avec un soupir de plaisir, elle fourra son visage entre ses avant-bras, se préparant à s'assoupir. De toute façon, elle n'avait rien de mieux à faire pour le moment. Hormis Jersey, elle n'avait rencontré aucune autre personne qui lui semblait familière. Elle se demanda alors combien de personnes avaient été conviées sur l'île. Elle savait pertinemment que les Winderfield avaient été populaires lors des années au lycée et qu'elles devaient avoir d'innombrables amis. Néanmoins, Viviane espérait passer des vacances tranquilles sans avoir à retrouver tous les gens du lycée.
Ces années-là étaient loin d'être les meilleures de sa vie. Certes, Viviane n'était plus une adolescente banale à laquelle on ne prêtait plus attention, mais elle était une jeune fille compliquée qui se cherchait, qui ne cessait de se poser des questions et qui n'arrêtait pas de se remettre en question. Comme toutes les filles à cet âge-là.

Perdue dans ses pensées, Viviane n'avait pas remarqué qu'une autre jeune femme marchait sur la plage. Pour une fois, l'air marin la rendait pensive et ne l'endormait pas. Elle ne ressentait pas cette envie irrépressible de fermer les yeux, elle ne sentait pas sa tête dodeliner, annonçant une prochaine sieste.
Elle rouvrit les yeux. Elle avait pris la peine d'embarquer un livre avec elle, peut-être que si elle lisait quelques minutes, elle plongerait dans l'abysse du sommeil. Ou pas.
En effet, une ombre se pencha sur elle, ce qui lui fit relever la tête. Eblouie par les rayons du soleil, elle fronça les sourcils, mais en reconnaissant la voix de son ancienne amie, Viviane eut un large sourire. Avant qu'elle n'ait pu prononcer un mot, Isabella Winderfield l'avait déjà reconnue. Comme venait de le faire remarquer la jeune propriétaire de l'île, cela faisait longtemps qu'elles ne s'étaient pas vues. Et pourtant... Isabella n'avait pas tellement changé. Elle avait gardé la même petite bouille ronde, la même voix chaleureuse.

"Hey Isabela ! C'est sûr, ça doit faire... quatre ans, non ?" fit Viviane d'un ton enjoué, après un court moment d'hésitation.

Elle se redressa pour se retrouver en position assise et colla une bise sur chacune des joues d'Isabella.

"Alors comment vas-tu depuis le temps ?"

Alors qu’Isabella avançait près d’une jeune femme brune qui était allongée sur le sable, ou plus précisément sur sa serviette, une très jolie pensée revint en elle. Celle d’Andrea Cohen, son premier vrai grand Amour, qu’elle avait connu lorsqu’elle était au lycée. Tous deux avaient vécu une très jolie histoire d’amour qui avait duré un an. Et un an, mon Dieu, on sait combien il se passe de choses. Le temps passe si vite, on n’a pas le temps de l’apprécier à sa juste valeur, ce qui est bien dommage. Mais désormais Isabella Winderfield avai mûri et c’est pour cela qu’elle repensait à lui et à ce qui s’était passé entre eux.
Elle leva les yeux vers le ciel bleu, qui ne laissait percevoir aucun nuage, et lâcha un petit soupir. Elle avait sur le nez une paire de lunettes de soleil qu’elle écarta doucement de ses oreilles pour laisser son regard vagabonder autour d’elle. C’est alors que ses yeux tombèrent sur un petit bateau qui passait et Isabella put remarquer qu’un couple se tenait sur le navire, enlacés.
Tout se chamboula dans la tête de la jeune femme de vingt-deux ans et un petit flash revint en elle.

« There's a time for us to let go
There's a time for holding on
A time to speak, a time to listen
There's a time for us to grow »

Isabella se revit pendant un instant, main dans la main avec Andrea, marchant le long de la Tamise pour parvenir sur une petite barque. Elle se souvenait de chacun des moments de cet après-midi si particulière. Elle sentait encore les frissons qui l’avaient parcouru lorsqu’il lui avait pris la main pour l’aider à monter sur la barque. Elle se rappela des photos qu’ils avaient pris et se revit l’embrasser comme un couple le faisait.
Isabella passa une main sur sa bouche en repensant aux lèvres du jeune homme. Il possédait des lèvres si douces et de plus, il embrassait bien. Bon, Isabella n’avait pas eu des dizaines de partenaires mais il lui avait suffit d’embrasser deux ou trois autres jeunes hommes pour savoir qu’Andrea était son genre idéal. Il avait de belles mains, agréables au toucher, et puis il prenait soin de lui. Elle adorait passer sa main dans ses cheveux souvent en bataille et le voir lui sourire avec ses dents blanches et sa sincérité qui la faisait tant fondre.
Il était tout ce qu’elle désirait, tout ce qu’elle recherchait chez un homme mais Isabella ne se sentait pas encore, à 17 ans, prête à grandir. Il lui fallait du temps et de l’espace.

« There's a time for laying low down
There's a time for getting high
A time for peace, a time for fighting
A time to live, a time to die »

La plus jeune des Winderfield replaça ses lunettes de soleil sur son nez et continua à avancer, songueuse. Repenser à tout ça ne lui faisait que du mal car tout s’était terminé. Oui, leur histoire s’était achevée car il lui avait proposé d’emménager ensemble mais elle n’avait pas voulu. Ou du moins elle n’avait pas répondu et lui l’avait quitté pensant qu’elle ne l’aimait pas sincérement comme lui l’aimait. Puis il était parti au Canada pour retrouver sa famille et poursuivre ses études de journalisme ce qui ne lui avait jamais laissé le temps de s’expliquer.
La vie était cruelle, parfois, c’est pourquoi lorsqu’elle se sentit plus mature, Isabella décida de « croquer la vie à pleines dents » et de savourer chaque instant. Ainsi, son caractère posé et responsable –enfin, cela dépendait des situations, la rendait plus grande et désormais, elle se sentait capable de vivre avec un homme. Mais Andrea ? Voudrait-il encore d’elle ? Isabella n’avait jamais cessé de penser à lui, même de l’aimer mais des années avaient défilé depuis leur rupture et Isabella ne savait pas s’il voudrait à nouveau d’elle… Elle ne savait pas, surtout s’il viendrait à son invitation sur l’île.

« A time to scream, a time for silence
A time for truth against the lie
A time for faith, a time for science
There's a time for us to shine »

C’est alors que pensive elle se trouva devant la jeune brune à qui elle dit un « bonjour » gaiement, histoire de penser à autre chose.
Puis elle reconnut Viviane Norhington avant de s’abaisser pour lui faire la bise.

« Ca va, et toi ?! Je suis contente que tu ai pu venir ! »

Sans demander, elle s’assit sur le sable près de la jeune femme et poursuivit, avec un sourire amical :

« Que deviens-tu depuis le temps ? Tu continues toujours la photographie ? »

Finalement, Santorin n’était pas si différente de Saint-Barth, songeait Viviane après avoir subitement rouvert les yeux. Les deux endroits n’étaient pas situés au même endroit mais les vacances s’annonçaient semblables. Une mer couleur aigue-marine dont la température devait être d’une vingtaine de degrés, une plage de sable fin, des yachts rattachés au port, un ciel bleu sans nuage, un soleil qui tapait…
Sauf que cette fois-ci, la jeune Norhington serait libre comme l’air puisqu’il n’y avait aucun parent à l’horizon. Pour la première fois de sa vie, elle ne passerait pas l’été avec eux. Elle ne ferait pas du shopping avec maman dans les boutiques de luxe, elle n’irait pas jouer au tennis avec papa, elle ne subirait pas leurs crises de colère passagère, elle n’aurait aucune contrainte… Passer ses vacances avec ses parents était loin d’être une idée désagréable, mais les passer seule avec des vieux amis de lycée était une idée plus réjouissante.
Viviane se demandait si elle allait revoir ses anciens camarades de classe, s’ils avaient changé depuis le temps ou s’ils étaient restés les mêmes, s’ils étaient mariés ou parents – ce qui était fort peu probable vu leur jeune âge – … Pour la première fois depuis longtemps, la jeune femme voulait renouer avec son passé. Avant de partir, elle avait pris soin de regarder les vieilles photos de classe du lycée. Elle avait essayé de mettre un nom sur le visage de chacun, mais elle avait des trous de mémoire. Après le lycée, Viviane n’avait gardé que très peu de contacts. Angeline, une de ses anciennes amies, l’avait invitée à prendre un verre alors que Viviane étudiait à la faculté. Sinon, Miss Norhington avait perdu les autres de vue.

Elle plongeait les mains dans son sac pour en sortir le livre de Dan Brown qu’elle avait emmené, lorsque Isabella arriva vers elle. Ses dernières pensées pour Saint-Barth et ses anciens camarades de lycée s’envolèrent à l’instant même où elle lui adressa la parole. Elle leva la tête pour faciliter Isabella qui se penchait pour lui faire la bise et elle répondit avec un sourire en coin :

"Je vais bien… Moi aussi, je suis contente d’avoir pu venir ! Dis-moi, j’ignorais que tu possédais une aussi belle île en pleine Mer Egée…"

Elle regarda la jeune femme s’asseoir à côté d’elle, puis son sourire s’aggrandit à ses propos. Si elle avait continué la photographie ? Comment aurait-elle pu arrêter ?! Certes, elle avait bien tenté de refouler cette passion quand elle avait été contrainte de suivre des études de lettres, mais elle n’avait jamais pu réellement s’y résoudre. La photographie était tout ce qu’elle aimait. Cadrer, prendre son temps pour zoomer, appuyer sur le petit bouton, entendre le déclic, mitrailler, aller ensuite dans son atelier pour développer les photographies… ça faisait parti de son train-train quotidien.

"Hé bien, justement, je suis devenue photographe salariée pour un petit magazine londonien… malgré les protestations de mes parents ! Et toi ? Tu suis des études de journalisme, comme tu l’as toujours désiré ?", demanda Viviane en rejetant ses cheveux dans son dos.

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